mercredi 30 juillet 2014

Dura lex, sed lex


Garce Kelly bondit de la voiture de patrouille avec grâce et légèreté. Un uniforme bleu met toutes ses formes en valeur, à défaut de mettre en avant son esprit. Son visage est aussi fardé qu’une morue enfarinée, et ses cheveux d’un jaune douteux évoquent une serpillière qui aurait essuyé une matière suspecte à la surface d’une vespasienne.

Mais Garce se sent belle et mince. La graisse qu’elle s’évertue à combattre, elle a l’heur de ne la retrouver nulle part, ni dans ses cuisses, ni dans sa cervelle. À propos de cervelle, il faut rappeler qu’à l’orée de son adolescence, la pauvre femme fut victime d’une descente d’organe. Son cerveau, un jour, tomba sur le trottoir. Hélas, elle marcha dedans du pied droit. Depuis ce drame, la malédiction la poursuit. C’est la raison pour laquelle elle se retrouve dans la police, à l’heure actuelle.

Mais Garce se sent forte et féministe. Symboliquement, elle veut écraser de l’homme aujourd’hui, broyer des testicules, annihiler de la testostérone. Et si, par la même occasion, elle peut obtenir des dommages et intérêts pour s’acheter les dernières bottines à la mode (son traitement n’étant pas assez élevé à son goût), elle n’aurait pas perdu sa journée. Il suffit de pousser à bout l’automobiliste qu’elle vient d’arrêter pour lui faire commettre un outrage. Elle connaît bien la technique.

Elle se dirige vers la voiture en tortillant du postérieur à tel point que le plus robuste des marins en aurait éprouvé un mal de mer carabiné.

Le pâle quinquagénaire, derrière son volant, s’époumone autant qu’il le peut pour prouver son innocence. Il est passé au feu orange avec sa voiture, il en mettrait sa main à couper ! Garce lui soutient qu’il est passé au rouge, elle le jure sur son soutien-gorge et le Code de la route. L’homme lutte avec acharnement, tout en respectant les convenances. Mais travaillé au corps une demi-heure, durant laquelle Garce débite l’antienne de la police : « la loi, c’est la loi » ad libitum, il devait trébucher à un moment ou un autre. Il perd patience une poignée de secondes, le temps d’émettre un doute, en soupirant, sur les capacités oculaires de l’agent.

Le motif de l’outrage était enfin trouvé. Vouer à la sodomie un policier est fort préjudiciable.

Le jour de l’audience, l’avocat de Garce la défend d’une manière admirable. Il souligne combien l’offense de l’automobiliste bafoue l’honneur de la fonctionnaire. À cette occasion, elle joue si bien les pleureuses qu’elle peut se targuer d’enseigner l’art des sécrétions lacrymales à l’école des fontaines Wallace. Le conducteur, irréprochable jusqu’alors, est reconnu coupable de tout avec circonstances aggravantes. Il doit payer, au centuple.

Quelques jours plus tard, alors qu’elle sort du commissariat après une dure journée de labeur, on aperçoit Garce s’en retourner chez elle tout en chaloupant du derrière avec entrain, faisant fièrement résonner le talon de ses nouvelles bottines, gagnées à la sueur de son front.
 
vilenie commise par Alan

2 commentaires:

  1. J'espère qu'on ne risque pas la censure pour cause de critique de la force publique... ;-)

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  2. Garce est maline, c'était les soldes après tout!

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